A u frescu...

A quelques jours de regagner enfin la Corse (avec les enfants mes visites "a u paese" se font plus quand même plus rares et c'est dommage), simu à u frescu in alta muntagna. L'heure des canyons rafraîchissants de Bavella va bientôt sonner, mais d'ici là, entre belles courses rocheuses et séances de couenne avec clients, il est l'heure d'aller arpenter les glaciers pour l'éternelle Nathalie que l'on ne présente plus, ni avenue de Friedland, ni dans le 38. 

La météo capricieuse cette semaine là (orages le soir, ou l'aprèm, au choix, et surprise, on sait pas quand ça va tomber) nous fait revoir nos objectifs à la baisse. La traversée du Lyskamm n'est pas en excellentes conditions aux dires des collègues ayant traîné leurs crampons dans le coin, le Cervin est encore bien enneigé, bref, on choisit un lieu idéal pour ne pas buter: la cabane Tracuit dans le Valais.

Comme d'habitude chez les Helvètes, certaines choses ne changent pas: le paysage est à couper le souffle, tout est superbe, et l'accueil est désagréable. A peine débarqués au refuge après 4h de marche et 1600m de dénivelé, on nous dresse une liste d'interdictions et on nous demande de payer les 2 nuitées séance tenante. On n'a pas eu le temps de boire un verre ou de débarrasser nos épaules de nos sacs (même bien lights) qu'il faut déjà s'acquitter de tout le séjour. Ce sera non, faut quand même pas déconner merde ! Bon au final la gardienne est sympa et plus cool que ses aides, et on passera un séjour plutôt bon enfant, dont acte. Mais c'était bien mal parti !

Du sommet du Bishorn, la fabuleuse arête Nord du Weisshorn, peut-être la plus belle course mixte du Valais. Plutôt enneigée suite aux précipitations de ces derniers jours, elle sera en conditions à nouveau dans quelques jours...
On part du fond de la vallée, au pays des marmottes, pour aboutir en haute altitude. Ici à mi chemin de la marche d'approche du refuge: de là, on voit Zinal avec l'oeil gauche, et Tracuit du droit. C'est le seul endroit de la montée offrant cette perspective
Deux des beaux 4000 du Valais: le Zinalrothorn et l'Obergabelhorn, parcourus tous les deux par de très beaux itinéraires (Rothorngrat et Arbengrat et traversée) avec Michi Rüter, avant le final du guide il y a quelques années... 
Coucher de soleil "flamboyant" à Tracuit après un sacré orage (qui a blanchi les montagnes en face)
Nath au départ vers le Bishorn sur fond de Zinalrothorn; il fait doux, petite polaire et zou !

La Tête de Milon, superbe petit sommet de proximité, avec une arête WSW dite "crête de Milon" très intéressante, mais que les conditions humides ne nous permettront pas de gravir cette fois...
De gauche à droite: Bishorn, Grand Gendarme, Weisshorn, Tête de Milon
Mesdames, une dernière avant des photos de plage; enjoy ! :)
Lever de soleil splendide en haute montagne...
Le Bishorn s'embrase
Nathalie et la Tete de Milon s'illuminent...
La grêle et les intempéries de la veille, ça donne ça... Un coup ça porte, un coup ça passe à travers entre 10 et 30cm, pénible... Bon on est (loin) devant les autres cordées (deux seulement) et on le restera. Le Bishorn pour nous tout seuls, ça mérite bien de se fatiguer un peu à faire la trace non ? 
C'est beau, la solitude et les glaciers !
De gros pots à franchir dans le haut du glacier, avec des ponts parfois impressionnants...
Au fond, le Mont Rose, quelle vue !
Ciel noir et meringue, la magie de la haute montagne où, pour une fois, il fait moins orageux qu'en vallée :)
Votre serviteur devant le Weisshorn, un objectif prochain...
Nathalie mène la descente face aux 4000 de Zermatt et Saas Fee...
Glacier toutes options...
Foooooocu !
Nouvelle petite course de neige direction la Tête de Milon...
Première broche posée par Nathalie, dans de la glace noire "école" cachée sous 40cm de neige
Précipitations jusqu'à 6h du matin, on tente notre chance ensuite et on fait la trace...
Brève "éclaircie" au sommet de Milon
Nath attaque la descente
La superbe cabane Tracuit, refaite en 2013. Confort aux standards helvétiques, tarifs également...
Un chalet incroyable parmi d'autres perché dans le haut Zinal... ça fait envie !

Maître René sur son rocher perché, tenait en son bec la Vanoise...

Au sortir de l'adolescence, j'ai passé de nombreuses soirées, les mains moites malgré le confort douillet de mon plumard, à lire et relire les écrits du Maître René Desmaison: "Professionnel du vide", "342 heures dans les Grandes Jorasses", et tous les autres classiques, où anecdotes croustillantes alternent avec des récits terrifiants baignés de courage et d'une époque épique où l'aventure n'était pas un vain mot galvaudé par "les Chtis contre les Marseillais saison 14"...

De là est née une admiration sans borne pour le grand René, mais aussi pour Bonatti, Messner, Buhl, Preuss, Comici, et tous les grands de la verticalité du siècle dernier (voire celui d'avant). Des mecs qui ont ouvert des lignes hallucinantes avec des dizaines d'années d'avance, des visionnaires au matos rudimentaire mais au mental d'acier et à la volonté de fer. Bref des héros, des vrais, loin des pleureuses multi-millionnaires façon Neymar qui chouinent et simulent en mondovision comme tout footeux décérébré moyen (vous avez dit pléonasme ?) Mais je m'égare... ;)

Je profite de la dernière semaine avec Nathalie avant les vacances pour panacher alpinisme et rocher "de caractère". La "Desmaison" en face Nord de l'Aiguille de la Vanoise répond au cahier des charges et au niveau de la plus Grenobloise des Parisiennes. En fait, ça fait des années que je rêve de gravir cette voie, sans jamais trouver l'opportunité. De retour de la Grande Casse, il y a 10 jours, j'ai noté que la face est 100% sèche et il n'a pas plu depuis. Bien sûr, c'est un itinéraire signé Desmaison, c'est un gage de grande classe, de prestige, et ça me fera penser à ce grand bonhomme avec qui j'ai eu le privilège de converser une heure alors qu'il dédicaçait "Les forces de la montagne" chez Arthaud. Une salle honteusement vide accueillait ce jour-là un alpiniste immense. J'en avais profité pour lui arracher quelques "secrets d'initiés" de son oeuvre, et pour faire signer toute ma collection de ses bouquins, amenés en nombre pour l'occasion !

La "Desmaison/Bertrand" résumée en une image: des traversées audacieuses, un itinéraire astucieux, du bon rocher, de l'ombre, et de l'austérité !
Un névé béton oblige à ruser avec les baskets molles que nous portons et notre petit piolet light pour deux.. On passe tout en haut en mode ramonage entre la neige et le roc et on protège les 50m de traversée avec deux friends, hop ! Le tour est joué !
Au pied de cette austère face Nord... c'est encore loin le soleil ?
C'est parti ! Derrière nous, une cordée qui s'est perdue au départ, et qui profitera de notre recherche d'itinéraire, plus ou moins à distance
Ambiance sombre et fraîche, en réalité on supporte bien la polaire malgré les températures caniculaires en vallée
Nath à l'attaque de L4, un 6a+ technique et physique qui est pour moi le crux de la voie. Négocié, comme une très grande partie de l'itinéraire, en baskets, il réveille après 3 longueurs de mise en bouche plutôt sur les petons...
Grande ambiance !
A l'attaque du "toit du 7 couché", magnifique longueur en fissure suivie d'un court surplomb un poil teigneux où les vieux clous rouillés plantés à l'envers voient le renfort d'un petit friend d'un bon oeil...
Nath, qui grimpe en chaussons, souffre dans ses Katana un poil trop précis... il fait quand même frisquet pour les orteils écrasés dans du 35 !
Sortie de la longueur en 6b du haut, pour laquelle j'avais enfilé les chaussons, à regret au final: c'est plus facile que les 6a/6a+ du bas selon moi. Cette superbe longueur verticale est en revanche entièrement rééquipée sur goujons, c'est confort !
On est loin au dessus du lac des Vaches et c'est bien raide, notez l'ombre qui lèche les névés d'attaque...
La fameuse grosse écaille qui défend l'accès des vires permettant de rejoindre le grand dièdre du dernier tiers de la paroi... Un jour ce triangle jaune finira dans le lac vu comme il sonne creux...
Au réta au dessus de la fameuse écaille, l'occasion d'un beau cliché !
Le L est admiratif des anciens: chapeau Messieurs Desmaison et Bertrand, pour l'audace, l'intelligence de l'itinéraire, et la grimpe engagée sur pitons et avec vos mauvaises grolles... 1964, respect total !
C'est pas fini, 16 longueurs et 450m de développé au total, ça occupe...
Nath dans une des (très) rares sections en mauvais caillou (des gradins à prises amovibles, pas dur mais nécessitant de rester concentré...)
Le grand dièdre sommital bien visible depuis le lac. Il ne voit presque jamais le soleil et les dalles sont bien moussues par moment...
Une ambiance extraordinaire dans le haut de la voie !
Il reste une longueur, le soleil n'est plus loin...
Bam ! Nathalie débarque dans la chaleur de la face Sud, loin des dernières heures passées dans l'ombre!
Les rappels en face Sud, à déconseiller: caillou dégueulasse de façon générale et parpaings qui ne demandent qu'à se fracasser sur votre ganache lorsque vous rappelez les nouilles... Bof, mieux vaut effectuer une demi traversée des arêtes vers l'Est (ou même vers l'Ouest)
Ces fiers bestiaux sont d'une habileté hallucinante !
La voie Desmaison/Bertrand, ouverte le 13 juin 1964. Une voie de caractère, une course superbe à recommander !
La dalle du Six à Pralognan: amateurs de perfs en salle et d'escalade moderne, passez votre chemin: ici, chaque mètre se mérite et les cotations (comme l'équipement parfois) sont vraiment "old school". J'ai fait des 6c+ plus facile que les 6b de ce secteur bien frais, très technique, et formateur !