Traversée Agnelin - Toit - Pyramide: en Belledonne buter tu iras !

Trois semaines de débloquées au printemps pour passer du temps en montagne et se préparer aux échéances du guide made in Deutschland qui ne sauraient tarder... Au final, un bilan plus qu'éloquent: une petite course Oisans dans le brouillard avec Jérôme, et deux buts magistraux. Le premier à l'éperon de la Brenva au Mont Blanc avec François "le Jouy" et Jérôme "l'Americano" Gingreau. Le second pas plus tard que cette semaine, en compagnie du jeune moniteur d'escalade stagiaire Cédric Tardieu, aka "le Padawan". 

LE créneau de la semaine, pourrie, comme la précédente, est prévu pour ce jeudi. Trop de neige au dessus de 3500 et une météo instable dans la durée, nous renonçons à notre projet initial au Rateau. Ce sera une traversée "at home", une longue arête Belledonnienne, Agnelin-Toît-Pyramide. 

Dès le matin, le crash météo est au rendez-vous: les sommets sont pris dans une épaisse crasse. Le moral est au beau fixe, ça va se découvrir, il est tôt. Votre serviteur a oublié son baudrier ? Pas de souci, ce sera l'occasion de rappeler à Cédric comment en tresser un avec la corde, et pis c'est "overlight", top ! Visibilité-pas-plus-loin-que-le-bout-des-chaussures ? Pas grave, il suffit de monter sur l'arête, ensuite, "c'est pas possible de se perdre sur une arête, il suffit de la suivre". Ben si, c'est possible, et on va le prouver... 

Navigation au GPS dans le cirque où les sommets sont tous bâchés, les couloirs rejoignant l'arête sont légion et il est impossible de dire à vue (aveugle ?) lequel est le bon. Deux heures après avoir quitté la voiture, et navigué plutôt correctement compte tenu des conditions, nous sommes, à l'issu d'une ascension d'un couloir en neige mollissime, posés sur l'arête pas tout à fait au point 2685 (le GPS confirme notre bon travail), sur l'échine en provenance du Piliozan (souvenir souvenir avec cette petite couenne fort raide skiée il y a 10 ans...)
Las, le brouillard est tellement épais que l'on ne voit pas le noeud de séparation entre l'arête du Toît et celle partant plein Sud vers le Pic des Eustaches... On part donc dans la direction opposée de celle que nous visons en restant pourtant toujours "à main droite". Purée de poix à la con !

Le col éponyme sera atteint en trois quarts d'heure par les deux polios du jour, tout heureux de leur rythme "UeliSteckien" sur cette arête ultra déroulante. La visi étant pourrie, un petit check GPS pour s'amuser et constater avec plaisir notre avancée stratosphérique sur ce terrain: "Là, normalement, on va attaquer les difficultés du Toît..." Surprise, on est à deux bons kilomètres horizontaux de notre objectif ?! Ce foutu téléphone déconne, c'est pas possible ! Déchirement très temporaire de l'épais manteau nuageux, court créneau de visibilité sur le lac de l'Ane, le temps de constater la débâcle: ben merde, ce con de GPS a raison ! Demi tour, retour anaérobie au pas de course jusqu'au départ et, au bénéfice d'une petite trouée, repérage du bon itinéraire. C'est vraiment le manque de bol, par beau temps il est absolument impossible de faire une erreur ici. Finalement, heureusement que le téléphone/GPS/écran plasma/toaster/écrase purée était de sortie "pour faire mumuse", sinon on dormait sur l'arête ou dans un obscure vallon sans la moindre idée de notre situation. Il est midi et demi, en fonçant ça peut toujours faire. Gobage de sandwich en vitesse et go !

Le rocher est très délité, humide et du coup piégeux, le crachin continuel ne rend pas les choses faciles, il faut être précautionneux: rien de dur mais impossible de courir dans ce terrain ! Hésitation, perte de temps au début des difficultés, météo se dégradant, horaire limite: cassos ! Le crux de la journée reste à faire: désescalader en solo (pas d'ancrage possible) une face à 55° en terrain chamois herbeux, humide, parfois boueux, turbo-glissant. Vu la configuration des lieux, zipette interdite. Piolet, crampons, et concentration nécessaires, tout en ruminant l'échec du jour: mais quelle misère ce but !

Retour maison après une bonne bambée tout de même (D+ 1400m), où une bonne partie de la panoplie d'alpiniste aura tout de même été utilisée: les grosses, du rocher avec et sans crabes, de la corde tendue, de l'itinéraire, de la prise de décision... Evidemment tout but qui se respecte se termine au KFC, nous n'avons pas failli à la tradition !

Départ, le L a beau fouiller dans son sac: pas de baudrier... Arrivée sur l'arête, on est bien dans les temps et on s'est bien démerdés dans la crasse, on est contents ! Ca va pas durer...

Cédric tout sourire, ça déroule entre rocher et touffes d'herbe


Dément comme ça déroule, on court ! ... dans la mauvaise direction hé hé...

Notez le baudrier tressé du L, un modèle du genre, des vieux souvenirs de la formation BE qui ressurgissent au bon moment... "Quand on n'a pas de tête on sait faire des noeuds" semble penser Cédric !

Un couloir de réchappe, de la visibilité pendant quelques minutes, par ici la sortie !

 
Une belle journée quasi estivale... ou pas ! Et le rayon de soleil de la journée !