Météo sournoise en Vanoise...

Deux jours moyens puis du grand beau. Bon, on va s'en sortir, ce n'est pas pire. Ca, c'était avant. Pas toujours facile de se rendre compte, à moins d'être guide soi-même, des noeuds au cerveau que peut occasionner cette belle profession... Cette semaine, la chance qui était blottie dans mon sac à dos tout l'hiver a décidé de se barrer pour faire un peu de place à un chat noir...

La grande semaine d'alpi classique en Vanoise, prévue de longue date avec ma cliente Nathalie, très en forme et bien polyvalente, nous aura finalement donné l'occasion d'une réorganisation quotidienne.

Pour commencer, une drache mémorable en redescendant du Gerbier aura eu raison de nos fringues aussi techniques soient-elles. Une douche ? Non, un bain plutôt ! Plonger habillé dans une piscine ne nous aurait pas trempés davantage. Sans exagérer hein ! Parmi les victimes de cette journée humidissime, ma montre, portée disparue, et mon téléphone portable, mort noyé par négligence, oublié dans la poche de mon fut' pendant la descente... 

La suite du menu ? Un peu de couenne technique pour varier les plaisirs et éviter les désagréments des fréquentes averses, puis de la haute montagne avec divers objectifs qui ne seront pas tous tenus, la faute à une météo des plus instables. Voici quelques clichés de la traversée de l'Aiguille de la Vanoise, parmi les plus belles des Alpes dans ce niveau de difficulté et c'est tout à fait mérité. Un peu de sens de l'itinéraire dans la première partie, une arête très effilée et aérienne dans la seconde, avant une descente technique et alpine pour couronner le tout. Une petite course classique et complète qui mérite une visite, assurément.

La fin de stage à la Grande Casse ? Crash météo complet, tempête de vent, et visibilité 10m au refuge, que ce soit à 4h du matin ou à 8h. Cassos donc, direction la falaise pour tirer sur les boudins. Mais on reviendra se venger !

Ciel, de l'alpinisme à l'ancienne, sur fond de grands couloirs...
Sa majestée la Grande Casse, sortie de la grande crasse... mais les stratus se pointent déjà. Aucune journée de grand beau véritable sur l'ensemble des 5 jours prévus...
Nathalie à l'attaque, la ligne de fuite est déjà sympa
Ne zappez pas, le caillou est bien meilleur qu'il en a l'air
On a rejoint l'arête après les premières cheminées, c'est parti pour une évolution entre ciel et terre
Habile le bestiau ! Et pas farouche...
Petite cheminée un peu cul: après le stage Guérillot aux 2 Soeurs, c'est finger in ze nose !
Au loin, l'accueillant refuge du col de la Vanoise, merci à son gardien hyper sympa !
On repasse versant Nord, les fesses quelques centaines de mètres au dessus du chemin d'accès au refuge sur la moraine
Deuxième partie, le rocher devient aussi irreprochable que l'aiguille fine et aiguisée !
Grande et Petite Glière, Epena, de belles montagnes
Sommet ouest, les difficultés ne sont pas encore terminées, la descente, si l'on ne tire aucun rappel nécessite d'être un poil concentré
Le lendemain, c'est un bon gros but, merci Météo Crash !

On se fait une mousse avec le Guérillous ?

C'est devenu assez rare, mais je me fends cette fois d'un billet consacré à ma pratique perso. Cela faisait longtemps que je n'avais pas passé deux journées pleines avec la légende Chartrousino-tarentaisesque Yannick "Guérillous" Guérillot. Le plus célèbre calvitiant de Courchevel est réputé pour ses bras comme mes cuisses et ses cuisses comme mon orgueil. Bref, un athlète. 

Des journées en couenne autour de Grenoble avec le bougre, en quinze ans, il y en a eu un petit paquet, un stage maison sur le poudingue de Mont Dauph' il y a cinq ou sept ans aussi, mais une grande voie marquante, jamais. 

Un oubli que nous avons pris le temps de combler. Peu en forme pour de la couenne aux portes du huitième degré selon ses dires, le Guérillous me propose à la place une "balade" en Vercors, dans une grande cheminée visible de loin et de partout mais pourtant (pratiquement) jamais visitée... Une "rando verticale" selon maître Yannick pour poser quelques coinceurs et échanger diverses conneries au cours d'une journée tranquille de plein air. 

Evidemment, l'itinéraire choisi par l'un des auteurs de la nouvelle bible de l'escalade en Chartreuse est loin d'être un classique: un truc pour ainsi dire jamais repris depuis presque 40 ans, vétuste, et pour lequel nous ne disposons d'aucune info. Au final, un itinéraire très sérieux, bien plus que ce que nous avions prévu, et n'ayons pas peur de le dire, dangereux. Face à mon envie de me barrer de ce piège, le mental et la motivation Guérillesques nous embarquent définitivement dans les entrailles de la bête. Point de non retour.

La suite ? Une journée usante psychologiquement et physiquement. 280m de caillou pourri (ah, on me signale dans l'oreillette que les 15 derniers mètres sont potables, je le concède), 3 pitons (dont 2 moisis) en tout et pour tout, de l'eau qui coule sur les parois, de la mousse partout, une fissure vorace ininterrompue recouverte d'un tapis vert fluo s'arrachant quand on renfougne, un leader forcément engagé, un second constamment exposé aux chutes de blocs, deux grimpeurs mouillés par cette fente dégoulinante ou la chute est quasi interdite devant comme derrière.

Bref, on a fini la journée tard autour d'une bonne pizz' salvatrice, le dos roué de griffures, les bras rapés, les genous frottés, les pantalons troués, les t-shirts à jeter, les chaussons à brûler, les sacs à dos défoncés et alourdis de boue séchée. Ceux qui connaissent Yannick et ses goûts vestimentaires ne verront là rien de choquant, et trouveront même un début d'explication à la composition de sa garde-robe de grimpeur ! 

Le lendemain ? De la couenne plaisir sous les averses, sur du caillou moyen mais blindé de gougeons de 12 rutilants: repos du cerveau mais les muscles et les articulations crient encore misère suite au mauvais traitement infligé la veille. Encore un souvenir qu'on n'oubliera pas de si tôt, et dont nos carcasses meurtries garderont les stigmates une dizaine de jours...

Merci encore Yannick pour ces journées dont tu as le secret, et à bientôt !

Une ligne d'une grande pureté
Le L fait encore le malin: ça ne va pas durer :)
Ca a l'air crade hein ? Rassurez-vous, en vrai c'est pire !
Au loin, la chaleur d'un beau mois de juin. Ici ? L'enfer moite d'une cheminée gluante
Contre jour abo: le thème du jour pour nos yeux, le soir, on voyait tout trouble
Un style de grimpe que Tita Piaz ou Angelo Dibona auraient eux-même trouvé "old school", c'est dire...
Oui, c'est vert, et c'est sale. Mais ça a du caractère...
Escalade ? Canyon ? Bien malin qui pourrait le dire...
Le Guérillous, comme un poisson dans l'eau !
Oui je grimpe avec mes coudes...
Une ligne d'enfer !
Oui, c'est bien un ancien proto d'il y a 10 piges ! La "Yannick touch", le bougre soigne sa légende !

Kickoff de la saison d'alpi au Pilliozan

C'est parti, après un mois de mai des plus variés et des plus chargés (escalade, canyon, UIAGM, travail syndical, jury d'examen DEJEPS...), back to basics: on remet les crampons pour le lancement de la saison estivale d'alpi !

Un début en douceur avec une sortie initiation en course de neige avec le GUCEM et ses étudiants à la motivation légendaire !

En préparation du stage dans le Valais que je co-encadrerai avec Maître Sylvain "Momo" Maurin début juillet, révision et apprentissage de quelques fondamentaux neige: cramponnage 10 pointes, mixte, frontal, assurage en mouvement, relais en neige, arrêt d'une chute, ateliers variés sur ces thèmes, et même un zeste de carto ! Ouf ! Vivement la suite, dans 10j à peine, en Vanoise si la météo le permet...

Après une approche bucolique, attaque des pentes de neige dans ce coin de Belledonne qui recèle longtemps ce matériau magique
Fondamentaux du cramponnage sur du plat...
puis ça se raidit progressivement dans le petit couloir Nord jusqu'à un joli 40°
Contre plongée artificielle...
L'ombre de la face Nord ne dure pas, et le soleil se repointe bien vite en ces tous derniers jours de mai...
L'herbe est là en versant Sud ! On est en Belledonne, pas dans l'Oberland hein !
Plongée nostalgique dans les brumes des couloirs Est, presque 15 ans déjà que l'on venait skier ces belles petites couennes !
Panorama grandiose avec l'Etendard et les Grandes Rousses en toile de fond
Exercices d'application d'assurage en neige... et c'est l'heure de rentrer mater Roland Garros !

Punta di u Corbu - Dos de l'Eléphant

Point de titre fantaisiste pour ce nouvel opus mais un libellé sobre et clair. Le "Dos de l'Eléphant" à la Punta di u Corbu est sans aucun doute la grande voie d'escalade rocheuse la plus célèbre de Corse, et l'une des plus connues en Europe. La difficulté intrinsèque n'est pas monstrueuse (6c max), mais les longueurs de dalle à friction pure, équipées loin des standards de sécurité actuelle (grimpeurs de SAE méfiat !) en font encore aujourd'hui un monument de la grimpe insulaire.

A l'ouverture de ce chef d'oeuvre en 1989 par une équipe comportant Pascal Tanguy pour qui j'ai de l'amitié et de l'admiration, les points étaient encore moins nombreux, et placés au tamponnoir, la sueur au front et les pieds sur de minuscules bossettes et autres quartz précaires. Respect éternel à ces Messieurs !

Aujourd'hui, deux vagues de rééquipement ont rendu la voie moins expo (je maintiens qu'un ou deux passages le demeurent encore), mais "le Dos" reste engagé et c'est ce que l'on appelle une voie de caractère. Etre octogradiste ici ne changera pas grand chose au fait que vous devez poser les pieds calmement, sans trop se précipiter, et que l'escalade est un sport mental avant tout. Si vous êtes serein dans la tête, vous vous offrirez un souvenir inoubliable sur ces boucliers de granite rose au coeur de l'un des massifs les plus sauvages qui soient !

Dix ans après mon premier parcours de cet itinéraire, je suis cette fois accompagné d'un client qui a 30 ans de grimpe derrière lui et des centaines de grandes voies en Suisse et ailleurs. Le Dos s'étant toujours refusé à lui, j'ai eu l'honneur de lui permettre de réaliser un rêve qu'il caressait depuis deux décennies ! La suite en images qui, une fois n'est pas coutume, me sont dédiées puisque Knut avait emporté un superbe appareil Reflex ! Si j'avais su, j'aurais pour une fois enfilé un falsar-de-grimpeur-fashion-qui-pète-sa-race et non une vieille rougne de kosovar Domyos...

Laissez les biceps au garage ! Au dos, il faut des chaussons propres et du mental
La bête est encore à l'ombre, idéal pour débuter la journée !
Le petit réta de L2, bien cul !
Le départ de L4, plus délicat qu'il n'y paraît
La fine traversée de L3, petit 6c bien fin
L5, ça engage gentiment, mais ça n'est pas encore trop raide. Un seul point à l'ouverture dans cette longueur, Diantre !
L6, longueur très technique et possédant un passage un poil expo qui nécessite un peu de sang froid
Au niveau du point, tout va bien !
Bien regarder la suite avant d'avancer et d'engager...
Ca devient bon raide !
L7, la dernière section délicate. Un chouia expo aussi
Ambiance de gue-din !
Des bossettes bienvenues font descendre l'adrénaline, L8
... mais ça grimpe quand même encore
Le sommet est proche, les crux sont avalés, on se détend !
Vous reprendrez bien encore quelques mètres de dalle à friction ?
Ciel, des prises, et un move à bras, on avait presque perdu l'habitude !
Knut réalise un rêve vieux de 20 ans ! Un super grimpeur très expérimenté, un plaisir de partager la cordée avec lui !
Méditation ou préparation du rappel ?
Baaaase !
Vito, un italien en terminant avec L7, en cordée avec une vieille dame valeureuse ! Superbe cliché de Knut en plein rappel
Les tchèques et la cordée austro-italienne à la manoeuvre dans les rappels