Maître René sur son rocher perché, tenait en son bec la Vanoise...

Au sortir de l'adolescence, j'ai passé de nombreuses soirées, les mains moites malgré le confort douillet de mon plumard, à lire et relire les écrits du Maître René Desmaison: "Professionnel du vide", "342 heures dans les Grandes Jorasses", et tous les autres classiques, où anecdotes croustillantes alternent avec des récits terrifiants baignés de courage et d'une époque épique où l'aventure n'était pas un vain mot galvaudé par "les Chtis contre les Marseillais saison 14"...

De là est née une admiration sans borne pour le grand René, mais aussi pour Bonatti, Messner, Buhl, Preuss, Comici, et tous les grands de la verticalité du siècle dernier (voire celui d'avant). Des mecs qui ont ouvert des lignes hallucinantes avec des dizaines d'années d'avance, des visionnaires au matos rudimentaire mais au mental d'acier et à la volonté de fer. Bref des héros, des vrais, loin des pleureuses multi-millionnaires façon Neymar qui chouinent et simulent en mondovision comme tout footeux décérébré moyen (vous avez dit pléonasme ?) Mais je m'égare... ;)

Je profite de la dernière semaine avec Nathalie avant les vacances pour panacher alpinisme et rocher "de caractère". La "Desmaison" en face Nord de l'Aiguille de la Vanoise répond au cahier des charges et au niveau de la plus Grenobloise des Parisiennes. En fait, ça fait des années que je rêve de gravir cette voie, sans jamais trouver l'opportunité. De retour de la Grande Casse, il y a 10 jours, j'ai noté que la face est 100% sèche et il n'a pas plu depuis. Bien sûr, c'est un itinéraire signé Desmaison, c'est un gage de grande classe, de prestige, et ça me fera penser à ce grand bonhomme avec qui j'ai eu le privilège de converser une heure alors qu'il dédicaçait "Les forces de la montagne" chez Arthaud. Une salle honteusement vide accueillait ce jour-là un alpiniste immense. J'en avais profité pour lui arracher quelques "secrets d'initiés" de son oeuvre, et pour faire signer toute ma collection de ses bouquins, amenés en nombre pour l'occasion !

La "Desmaison/Bertrand" résumée en une image: des traversées audacieuses, un itinéraire astucieux, du bon rocher, de l'ombre, et de l'austérité !
Un névé béton oblige à ruser avec les baskets molles que nous portons et notre petit piolet light pour deux.. On passe tout en haut en mode ramonage entre la neige et le roc et on protège les 50m de traversée avec deux friends, hop ! Le tour est joué !
Au pied de cette austère face Nord... c'est encore loin le soleil ?
C'est parti ! Derrière nous, une cordée qui s'est perdue au départ, et qui profitera de notre recherche d'itinéraire, plus ou moins à distance
Ambiance sombre et fraîche, en réalité on supporte bien la polaire malgré les températures caniculaires en vallée
Nath à l'attaque de L4, un 6a+ technique et physique qui est pour moi le crux de la voie. Négocié, comme une très grande partie de l'itinéraire, en baskets, il réveille après 3 longueurs de mise en bouche plutôt sur les petons...
Grande ambiance !
A l'attaque du "toit du 7 couché", magnifique longueur en fissure suivie d'un court surplomb un poil teigneux où les vieux clous rouillés plantés à l'envers voient le renfort d'un petit friend d'un bon oeil...
Nath, qui grimpe en chaussons, souffre dans ses Katana un poil trop précis... il fait quand même frisquet pour les orteils écrasés dans du 35 !
Sortie de la longueur en 6b du haut, pour laquelle j'avais enfilé les chaussons, à regret au final: c'est plus facile que les 6a/6a+ du bas selon moi. Cette superbe longueur verticale est en revanche entièrement rééquipée sur goujons, c'est confort !
On est loin au dessus du lac des Vaches et c'est bien raide, notez l'ombre qui lèche les névés d'attaque...
La fameuse grosse écaille qui défend l'accès des vires permettant de rejoindre le grand dièdre du dernier tiers de la paroi... Un jour ce triangle jaune finira dans le lac vu comme il sonne creux...
Au réta au dessus de la fameuse écaille, l'occasion d'un beau cliché !
Le L est admiratif des anciens: chapeau Messieurs Desmaison et Bertrand, pour l'audace, l'intelligence de l'itinéraire, et la grimpe engagée sur pitons et avec vos mauvaises grolles... 1964, respect total !
C'est pas fini, 16 longueurs et 450m de développé au total, ça occupe...
Nath dans une des (très) rares sections en mauvais caillou (des gradins à prises amovibles, pas dur mais nécessitant de rester concentré...)
Le grand dièdre sommital bien visible depuis le lac. Il ne voit presque jamais le soleil et les dalles sont bien moussues par moment...
Une ambiance extraordinaire dans le haut de la voie !
Il reste une longueur, le soleil n'est plus loin...
Bam ! Nathalie débarque dans la chaleur de la face Sud, loin des dernières heures passées dans l'ombre!
Les rappels en face Sud, à déconseiller: caillou dégueulasse de façon générale et parpaings qui ne demandent qu'à se fracasser sur votre ganache lorsque vous rappelez les nouilles... Bof, mieux vaut effectuer une demi traversée des arêtes vers l'Est (ou même vers l'Ouest)
Ces fiers bestiaux sont d'une habileté hallucinante !
La voie Desmaison/Bertrand, ouverte le 13 juin 1964. Une voie de caractère, une course superbe à recommander !
La dalle du Six à Pralognan: amateurs de perfs en salle et d'escalade moderne, passez votre chemin: ici, chaque mètre se mérite et les cotations (comme l'équipement parfois) sont vraiment "old school". J'ai fait des 6c+ plus facile que les 6b de ce secteur bien frais, très technique, et formateur !

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